Se relever du cauchemar

Parce que poster un nouvel article sans en parler ne collait pas, on vous livre ici nos témoignages à propos des attentats de vendredi dernier. N’hésitez pas à nous faire partager votre point de vue ou votre ressenti en commentaire.


Ce qui s’est passé vendredi nous a tous touchés. Chez Aldiaphora aussi.

Qu’on habite à des centaines de kilomètres les unes des autres ne nous a pas empêché de vouloir en parler sur notre blog, pour montrer qu’on y pense, qu’on est là.

C’est normal d’avoir peur. Mais dans ces moments là, il faut se montrer unis, en parler. C’est tout près, on se dit que ça aurait pu nous arriver. Mais ce n’est pas en pleurant dans son coin qu’on va faire bouger les choses.

J’ai appris la nouvelle en me levant.

« Il a encore eu des attentats. Plus de 100 morts. »

Plus de 100 morts. Ça sonne froid, énorme. Et puis la question, pour être sure.

« C’est qui ? »

Pas les morts. Les assassins. Et puis oui, ce sont encore eux. Charlie Hebdo, le Bataclan. La peur de se dire que pourquoi un de ces hommes ne rentrerait-il pas dans un lieu public où je me trouve un jour ? Et puis la peur de connaitre des victimes. Se renseigner pour savoir, pour avoir des nouvelles. Recevoir des chaines par SMS pour allumer des bougies, s’habiller en noir. S’engueuler parce qu’on est sur les nerfs. Voir, entendre à la radio, à la télévision. En parler. Se faire expliquer. Voir des projets de marches naitre.

Tout ça, qui fait grandir, qui inquiète, mais qui est important.

La peur a diminué, chez moi, parce que je suis loin de Paris. Parce qu’au fond, j’ai l’impression que je suis « protégée » en étant loin. Mais gardez ça à l’esprit : TOUT le monde est concerné. Même les campagnards paumés soutiennent ceux qui sont touchés « directement », se sentent concernés par cette barbarie. La France est une nation,  ce qui touche l’un touche l’autre.

Alors on a peur, on est tristes, mais la tête haute. Soyez heureux, vivez heureux tant que vous le pouvez !

(je n’aime trop pas le slogan « pray for paris », je préfère celui ci, avec le dessin)

« Peace for Paris »

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« Tout est tellement calme. La ville s’éveille peu à peu avec la langueur des samedis matins. Il est 9 heures. Vent vif et frais, lumière cuivrée. Les feuilles s’embrasent, allant du jaune canaris à l’éclatant pourpre, se découpent sur le ciel pâle d’un hiver encore timide. Dans la rue, une petite fille avance aux côtés de son père. Ils vont acheter des croissants, aujourd’hui, c’est l’anniversaire de maman. La petite fille a fait un rêve bizarre, et en y repensant elle pouffe. Son rire résonne, contraste avec le blême silence matinal. Elle a dépassé son papa et sautille, légère, insouciante, gracieuse. Elle évite les joints entre les pierres, vous savez, ce jeu un peu stupide que l’on fait tous enfants.
Tout est normal. Cet adjectif est tellement subjectif et pourtant, parfois il s’impose.
Dans la rue, un homme avance peu avant sa fille. Si on s’approche un peu plus, si on observe un peu mieux, on s’aperçoit que l’homme a pourtant les yeux bouffis. Tiens, il a pleuré ? Pourquoi ? Et ses épaules ? Ne sont elles pas affaissées, tendues ? Les deux ? Et pourquoi ce regard si grave ? Et pourquoi cette tension ?
Le paisible tableau se trouble. Le père rappelle son enfant. Revient ici, serre moi la main.
« Pourquoi ? » Incompréhension nimbée de candoeur.
Le père bafouille, ne sait pas quoi répondre, ou comment exprimer la réponse qu’il a, ou celle qu’il devrait avoir.
Il se met à pleurer silencieusement. Si on s’approche un peu plus, si on observe un peu mieux, on peut voir ces cernes, sa pâleur. Papa a très mal dormi cette nuit. Comme maman, d’ailleurs. Et puis comme mamie, comme papi, comme grand frère. Et puis comme le boulanger, comme la maîtresse, comme tant de petites personnes de cette grande ville, de ce grand pays, de cette immense planète.
C’est la première fois, du haut de ses 5 ans, que la petite fille voit un adulte pleurer. Son papa la serre ensuite contre lui. Fort, longtemps. Un peu trop fort, un peu trop longtemps. L’enfant entend même son coeur. Il bat très fort, il est comme affolé ce coeur. De quoi un papa peut il bien avoir peur ?, se demande la petite fille, perplexe.
« Je t’aime.
– … hein ?
Est ce de ça dont il a peur ?
– On rentre à la maison.
– … mais… »
Alors le père regarde sa fille, l’adulte regarde l’enfant. Alors un regard grave et sérieux se plonge, s’ancre bien profondément dans deux grands yeux inconscients et candides.
« Je te le dis parce que c’est important ma puce. Il faut aimer les autres tu sais. C’est très, très, très important. »
Il sourit, maintenant. Son sourire est triste, un peu dur, perlé de larmes. Mais il sourit et l’enfant est soulagée. Elle savait bien que les adultes ne pleuraient jamais vraiment.
Dans les rues désertes d’un quartier pourtant habituellement fréquenté, deux silhouettes, une plus petite et une un peu plus grande font demi tour en se tenant par la main.
Tout est tellement calme, paisible et normal, le samedi 14 novembre au matin.
Elles sont belles, ces deux silhouettes se découpant à l’horizon. Elles sont belles, debout et ensemble. »Capture d’écran 2015-08-10 à 10.20.20


On savait que ça existait, la violence. On savait qu’elle existait, cette violence démesurée, barbare et injustifiée — pour l’avoir vue à la télé, dans les journaux, pour l’avoir entendue dans les conversations. On savait qu’elle avait lieu, de l’autre côté du globe, causant des milliers de morts ; on savait qu’elle commençait à arriver ici.

Mais ce qui est arrivé, ce vendredi 13 novembre, c’est pire que tout ce qu’on aurait pu imaginer. On a vu la mort nous frôler, on l’a vue se pencher sur quelqu’un qu’on aime — et même si, finalement, elle a jeté son dévolu sur quelqu’un d’autre, on a eu peur, tellement peur pour les siens. On a vu le sang couler, à quelques arrondissements, quelques kilomètres de chez nous. On a senti la capitale entière, la France entière retenir son souffle, et on a entendu le silence de l’horreur et de la terreur.

Ces événements, c’était comme une énorme claque en pleine face, pour nous rappeler que le monde n’est pas que paillettes. Pour nous rappeler qu’on a beau être bien installés dans son confort parisien, le danger n’est pas loin. Qu’il existe toujours des tarés dans ce monde, prêts à assassiner plus de 120 innocents sans raison valable. Mais aussi pour nous rappeler qu’on est forts, qu’on a de quoi se défendre et qu’on ne les laissera pas semer la terreur de cette façon — qu’on ne les laissera pas gagner.

Je suis tombée sur une vidéo, ce matin, et elle m’a tellement inspirée que je voulais la partager avec vous aujourd’hui. C’est un extrait du film « Le Dictateur » de Charlie Chaplin, au moment du discours du dictateur. Ce film date de 1940, mais j’ai trouvé que le message était parfaitement adapté aux événements de vendredi.

Une phrase qui m’a marquée : « We want to live by each other’s happiness — not by each other’s misery. » (ça rend beaucoup moins bien en français, mais une petite traduction : « Nous voulons vivre par le bonheur des autres, et non pas par leur malheur. »).

Je n’ai rien à ajouter, alors je vous laisse avec cette magnifique vidéo (désolée pour les sous-titres pleins de fautes, je n’ai pas trouvé mieux) :

(Le discours complet retranscrit en anglais et en français.)

Tic-Tac-Toe


Le 13 novembre 2015. Cette journée qui restera dans nos mémoires. Plus tard, je me souviendrai certainement de cette nuit agitée. Je me souviendrai que quelques heures avant les événements, j’étais dans le métro, avec des amis, et qu’on fêtait la fin de notre brevet blanc, en s’inquiétant de nos notes; mais cela parait bien loin maintenant.

Je me souviendrai que je dinais ce soir-là avec ma famille, chez ma grand-mère qui habite à seulement quelques rues du Bataclan, et de la rue Bichat…  Que peu après qu’on se soit mis à table on a entendu des sirènes dans la rues, quelques unes au début, et puis de plus en plus fréquentes. On s’est inquiétés. On regardé ce qu’il se passait sur internet, et puis un titre est apparu : « Des fusillades à Paris dans le restaurant « Le Carillon »… ». Ma mère s’est figée : c’était ce même restaurant où elle avait mangé quelques jours plus tôt.

On a allumé la télé, la radio, Twitter… Les infos parvenaient de tous les côtés au fur et à mesure que la tension augmentait, en même temps que le nombre de morts d’ailleurs. Au début c’était une douzaine, et puis on est passé à dix-huit, trente, soixante, quatre-vingts… C’était inimaginable, irréel, je me disais qu’ils se trompaient… Mais non.

On passait des coups de fil, pour vérifier que tout le monde allait bien. L’un était allé au Stade de France ce soir là, l’autre habite juste en face… Au fil de la nuit, les informations devenaient de moins en moins floues et la nouvelle commençait à passer. Oui c’étaient des attentats. Oui unetelle va bien, elle m’a envoyé un texto…

Je suis allé me coucher vers 1h30 du matin, fatiguée de voir le nombre de morts monter sans pouvoir rien faire. A ce moment-là le compte en était à 80. A mon réveil, le lendemain, c’étaient 130 personnes qui avaient perdu la vie…

J’ai allumé mon portable vers 14h ce samedi, et j’ai été envahie de messages inquiets, de TT (Top tweet) boulversants; mais aussi de posts idiots, du style « si tu mets pas un cœur en commentaire de cette photo c’est que tu respectes pas les morts de l’attentat à Paris ». Oui, ça m’a enervée de voir tous ces gens qui mettaient leur photo de profil de bleu-banc-rouge, ces filtres snapchat, comme si ça allait changer quelque chose. Partout on ne parlait que de ça, on ne pouvait pas s’y soustraire… Mes amis envoyaient des messages inquiets parce qu’ils entendaient des pétards éclater dans la rue (le mouvement de foule à République…) ou parce que ils entendaient trop d’hélicoptères passer et que ça semblait louche… Certains hésitaient même à aller en cours lundi !

Et j’ai trouvé tout ça un peu surfait. Je me dis que toute cette agitation aux infos et sur les réseaux sociaux, cette peur trop grande au point qu’on ne veuille plus sortir, c’est exactement ce qu’il veulent.

Les terroristes veulent nous terroriser. Et ils ont l’air de pas mal réussir. Ce qu’il faudrait faire, c’est au contraire, continuer à aller boire des café en terrasse, continuer à aller voir des spectacles, et des concerts… Tout en restant vigilants bien sur…

Mais il faut garder une tête haute, et un sourire fier, comme pour nous moquer de cette violence gratuite et absurde.

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Avec des mots, on peut tout dire. Avec des mots, on peut transmettre des sentiments. Mais aujourd’hui, les mots ne sont pas assez forts. Ils ne sont pas assez forts pour exprimer ce que ressentent les Français. Malgré cela, j’ai décidé d’écrire. Écrire pour que tout reste gravé. Prendre la plume pour écrire, sur ce qui c’est passé.

Ils étaient sortis pour voir le match de foot, prendre un verre, se retrouver entre amis. Ils étaient sortis pour profiter de la vie. Et cette vie, on leur a enlevé.
De nouveau, la France a été touchée par des attentats. Plus meurtriers et violents encore, que ceux de Janvier. On se souvient de Janvier, et on se souviendra du 13 Novembre. Cette date restera gravée dans les mémoires, des plus jeunes comme des plus âgés.
Certains nous ont quitté, d’autres ont survécu. Pour certains, c’est le deuil, pour d’autres, il faut se reconstruire, vivre avec ce qui s’est passé. Rien n’est plus dur que la mort, si ce n’est une mort trop jeune, pleine de violence. Les dernières minutes qu’ils auront vécu, elles ont été remplies de peur et peut-être de courage.
C’est toute la France qui se sent concernée. Maintenant, il faut réaliser… Réaliser ce qui s’est passé. Tous ceux qui sont morts, ne doivent pas l’être pour rien. Ils sont morts, face à la barbarie, au terrorisme. Et ceci doit nous permettre de comprendre une chose : les actes de courage les plus importants, sont aussi les plus ordinaires.
Je pense particulièrement aux passants, à tous ceux qui ont aidé les rescapés de ce massacre. Ils ont fait preuve de courage, en ouvrant leurs portes, en restant sur les trottoirs, au milieu des rues, pour aider les blessés.
Personne n’a eu le temps de réagir face à cette violence, il était déjà trop tard quand les gens ont compris ce qui se passait. Et même si beaucoup d’entre nous, en plus d’être tristes, sont en colère, ce ne sont pas les témoins, ni les secours, qu’il faut blâmer. Personne n’est habitué à ce genre de violences sur notre territoire.
On ne peut pas revenir en arrière, on ne peut rien changer. Il faut vivre, et surtout, ne rien oublier… Ne pas les oublier.
Hommage à toutes les victimes de ces attentats. Hommage aux blessés. Hommage à leur famille. Hommage aux secouristes, policiers et militaires.
Ils ont voulu nous priver de notre liberté, nous l’avons protégé !

J’habite en province, et pourtant, je me sens touchée. Touchée par tout ce qui se passe. Je me dis que ça aurait pu être mon oncle, qui était à 20m du Bataclan quand les terroristes ont fait sauter leurs bombes. Pour moi, ces événements marquent notre génération : ils nous font grandir. La vie doit continuer, car on ne sait pas quand la mort va encore frapper. Vivez la vie comme elle vient, soyez heureux, et ne regrettez jamais les actes « bien » que vous ferez.

Wellan

 

 

 


 

Je n’ai pas peur. Je devrais, pourtant… Mais étrangement, je n’ai pas peur.

Aujourd’hui, demain et après demain, nous devrons continuer à vivre normalement, dans cette banalité qui avait engourdie nos cœurs depuis janvier.

Nous n’oublions pas. Nous n’oublierons pas.

Toutes nos pensées sont avec les victimes, leurs familles et tous les musulmans déjà victimes d’amalgames.

La peur sera toujours présente, nous ne devons tout simplement pas la laisser prendre le dessus.

Nous n’oublions pas. Nous n’oublierons pas.

#prayforparis

Leeko

 

 

 


   Je ne sais pas vraiment par où commencer… C’est dur de trouver les mots justes. Je sais que je ne saurai pas parler pour tout le monde, alors je vais juste raconter comment ça s’est passé pour moi, depuis vendredi soir, en espérant que par le récit de mon expérience, vous retrouverez un peu de la vôtre. J’avais commencé à écrire ça, et puis j’ai fini par faire un texte très détaillé, très personnel, et très long, donc je vous en fait un petit résumé.

   Vendredi soir, j’étais dans mon lit, à Vincennes (donc proche de Paris, mais c’est très calme, Vincennes), en train de lire bien au chaud. Il était 23h10, mes parents s’étaient couchés. Mon iPod a commencé à m’envoyer des notifications de messages de plus en plus nombreuses et rapprochées, ça m’a semblé normal étant donné que j’étais sur une conversation de groupe assez active, mais ça n’en était pas moins énervant, alors je l’ai pris pour désactiver les notifications. Et puis mes yeux se sont posés sur le message d’un de mes amis :

   « Oh putain les mecs deux attentats dans Paris ce soir regardez »

   (oui, mes amis ne brillent pas forcément par leur délicatesse)

    Mon cœur a commencé à battre un peu plus vite, ma gorge s’est nouée. J’ai lu le reste des messages, ça parlait de bombes et de fusillades. Je suis allée voir les infos, mais ça n’était pas clair, ma wifi bugait…. J’ai fini par tomber sur ces mots : au moins 18 morts, peut-être 30 ou 40. Les larmes sont venues toutes seules. Ça me semblait tellement irréel. 40. J’ai repensé à Charlie Hebdo, à mes larmes à l’annonce des 12 morts, et maintenant, 40 en quelques heures ? Ça ne me semblait pas croyable, pas possible, j’avais l’impression d’être vide. Avec mon cœur qui battait de plus en plus vite. En fait c’est ça, ça peut paraître étrange, mais j’avais l’impression d’être un cœur un peu fou tout seul dans un corps vide. Et avec toute ma maison qui dormait, mes parents et mon frère, je me sentais seule. Je suis allée sur Skype, par chance, Tic’ et Oz étaient là. On a discuté, ils m’ont rassuré, on a échangé nos inquiétudes. Sur je ne sais quel article, j’ai lu que le Bataclan était pris en otage. J’ai commencé à paniquer. Pas pour moi, je me savais en sécurité et ma famille avec, mais pour tous ces inconnus, ces amateurs de musiques en train de se faire assassiner froidement au moment même où je parlais avec Tic’, ces amateurs de bières en train de fuir dans les rues comme des fous sous les balles de terroristes encore plus fous.

    Je ne sais plus trop quand, mais mes grands-parents ont appelé pour savoir si on était en sécurité. Je les ai rassuré en sanglotant. J’ai fini par aller sur Twitter (énorme erreur, je n’en ai plus décroché et je me suis assomée à l’information, ne faites jamais ça), pour suivre les directs des journaux. Pour savoir. Il fallait que je sache. Je me suis donc retrouvée à faire défiler toute ma TL, constituée à 99% de #PorteOuverte, d’avis de recherche et de témoignages douloureux. Il y avait déjà des photos, des vidéos qui circulaient. Je m’interdisais de les regarder. J’ai vu un bout du discours d’Obama, des photos de Hollande au bord des larmes, mes amis me disaient qu’il n’y avait pas cours le lendemain, que les frontières étaient fermées, qu’on était en État d’Urgence, que tout ça n’était pas arrivé depuis la 2nde Guerre Mondiale… J’ai commencé à saisir la gravité des évènements et la réalité des 40 morts annoncés a fini par se frayer un chemin dans ma conscience. C’était réel. Il y avait des gens, là, maintenant, en train de mourir. J’ai pris du temps à l’accepter. Et c’était atroce, je ne pouvais rien faire, sinon attendre, nerveuse, en larmes, choquée, bouleversée.

    C’est bizarre, parce que le vendredi soir même, je ne m’inquiétais pas du tout pour mes amis : pour je ne sais quelle raison, ça me paraissait impossible qu’ils soient en danger, même si beaucoup d’entre eux habitent à Paris, certains dans ces quartiers, aiment sortir le soir… Mais c’était impossible. Pas eux. Je n’ai commencé à accepter l’idée que samedi, et j’ai envoyé des sms à la moitié de mes contacts, et à partir de ce moment, mon stress a monté d’un coup. Merci au ciel, au destin, au hasard, ou à quoi que ce soit, mais aucun de mes proches n’a perdu la vie –j’espère de tous mon cœur qu’il en va de même pour vous.

    Sur Skype, Oz Egans et Tic’ me disaient de lâcher les réseaux sociaux et de dormir, qu’on verrait bien demain. Mais je n’arrivais pas, je n’étais qu’une boule de stress et de panique, j’étais terrorisée, j’avais besoin de savoir. J’étais dans un état pas possible. Déjà sur Twitter, les photos des monuments mondiaux illuminés aux couleurs de la France circulaient. Les célébrités s’exprimaient. Je ne sais plus trop quand le slogan #PrayForParis a émergé, ni les dessins symboliques. À un moment dans la nuit, j’ai changé mon nom d’utilisateur et ma photo de profil. C’était dérisoire, mais je ne savais pas quoi faire. Très vite, j’ai vu passer des propos racistes qui me donnaient la nausée, au milieu des commémorations et des paroles de soutien.

   Vers une heure ou une heure et demie, j’ai lu quelque part sur Twitter que le Bataclan était libéré. Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. J’ai frénétiquement fait défiler toute ma TL pour avoir plus d’informations. J’ai trouvé le nombre de victimes.

   140.

   J’ai failli crier.

   J’ai oublié de respirer, je me suis crispée violemment –je m’en rappelle très bien, de cette impression. C’était atroce. Mon cerveau a commencé à se répéter très vite 140 140 140 140 et mon cœur à exploser dans ma poitrine. Les larmes étaient venues si brutales que je hoquetais. Je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer la centaine de victimes fusillées de sang froid dans une salle de spectacle où j’étais allée, pas moins de quelques mois plus tôt, dans laquelle j’avais apprécié un concert, dansé, chanté. Et les 140 familles. Je ne sais pas combien de temps j’ai sangloté sans pouvoir me contrôler. J’avais peur. Je paniquais. Je ne savais pas quoi faire. Je pleurais. J’étais choquée, j’étais bouleversée.

   Vers deux heures, j’ai fini par écouter les conseils d’Oz et de Tic’, et décidé de me coucher –enfin. J’étais épuisé émotionnellement, j’avais un mal de tête incroyable à cause de mes pleurs trop longs. J’avais peur de ne pas réussir à dormir, mais finalement, je me suis écroulée en quelques minutes.

Et les jours suivants ? Un mélange de terreur, de soulagement, de soutien et de commémoration. Je ne suis pas allée dans Paris pour montrer mon soutien (beaucoup trop fatiguée, j’ai très peu dormi ce week-end), mais les réseaux sociaux ont fait preuve d’une solidarité incroyable. Les vidéos des Parisiens qui chantaient, qui restaient debout, le soutien des pays étrangers m’ont redonné le sourire. Au début, je retweetais tous les avis de recherche que je trouvais, mais j’ai arrêté quand j’ai commencé à voir les même visages sur les tweets de RIP. C’était beaucoup trop anxiogène. Savoir tous mes proches en sécurité m’a fait un bien fou. En revenant au lycée, lundi, j’ai parlé avec mes amis, avec les profs, ces deux amis qui étaient au stade de France et celle-là qui habite Rue Charonne, ceux qui avaient perdu quelqu’un et ceux qui soutenaient les autres. Mon lycée est juste en face del’hôpital Bégin, on a installé un tableau avec des fleurs, des rubans noirs, des messages de soutien… J’y ai laissé un dessin gribouillé à la va-vite en cours de maths, c’était déjà ça. Maintenant, la vie reprend son cours : j’y pense encore, en parle encore, je suis encore terriblement choquée, mais les sujets de conversation sont de nouveau remplis de rires et des sorties dans Paris avec les amis sont encore prévues. Au début, j’avais peur, pas pour ma vie mais pour l’avenir de la France : l’atmosphère pesante qui aurait pu peser en permanence, l’angoisse en continu des Parisiens, les morts répétés, aussi la monté du racisme et de l’extrémisme probable après cela… Et puis, j’ai vu la réaction des Français, la solidarité, la joie de vivre toujours pas chassée. Et maintenant, je suis fière et heureuse d’habiter ici. Les terroristes (qui se disent musulmans, mais vraiment, ça n’a rien à voir) ne nous enlèveront pas ça. J’espère que vous vous en rendez compte. Vous avez le droit de pleurer, d’avoir peur, vous en avez tous les droits, mais n’oubliez pas de vivre ❤

JE VOUS AIME. J’ESPÈRE QUE VOUS ALLEZ BIEN. N’OUBLIEZ PAS NOS MORTS, MAIS GARDEZ ESPOIR. (Vivent les Caps Lock)Capture d’écran 2015-04-18 à 19.46.05

 

15 réflexions sur “Se relever du cauchemar

  1. Merci pour ces témoignages.
    Violette, ton témoignage est si détaillé (et assez proche du mien) que j’ai pleuré, mes larmes sont tombés sur mon bureau. Snif. é_è

    Amour sur vous.

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  2. Même si la situation est difficile (voire même super difficile), il faut continuer à vivre, coûte que coûte ! Boire un verre en terrasse, aller à des concerts et regarder du foot, telle est notre vie, ainsi avons nous bâti notre société, et jamais personne ne pourra asservir la France. Parce que nous avons des valeurs, parce que nous avons la connaissance et des principes !
    Nous avons le droit d’avoir peur : « Etre courageux, ce n’est pas ignorer sa peur, c’est la surmonter. »
    Mais surtout, dans ces temps difficiles, une chose est primordiale : ne pas faire l’amalgame entre musulmans et fanatiques.

    Courage… 😉

    Peace

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  3. C’est vraiment triste et horrible ce qu’il s’est passé même si je n’ai rien ressenti, même si les témoignages émouvants et les vidéos bouleversantes ne me font rien.

    Il faut continuer à vivre mais ne pas oublier que la menace est présente.

    C’est très beau ce que vous avez dit, dans cet article 🙂
    Continuez ! 😉

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  4. « Imagine all the people
    Living life in peace »

    Je suis tellement d’accord avec toi, Leeko.
    Ne laissez pas la peur prendre le dessus. Ou ils auront gagné.

    Moi aussi mon lycée est génial. Au 3ème étage, ils ont installé des panneaux d’expression libres. On peut y lire des choses très différents (il y en a une, je ne m’en souviens plus exactement mais c’était très poétique, et à côté de ça on voit « en fait c’est un peu des teubés les gens qui ont fait ça »). Et avant la minute de silence, il y a des amies de la MDL qui ont parlé au nom des lycéens, puis un élève de prépa, et enfin trois collégiennes.

    J’espère que vous n’avez pas perdu de proche.

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  5. J’ai moi aussi été choquée par cet attentat, beaucoup plus que par celui de Charlie Hebdo. Tant de morts innocents… Depuis lundi, dès que j’ai accès à un ordinateur, je regarde les infos sur lemonde.fr – chose que je n’ai encore jamais faite auparavant. Ca fait vraiment peur, même si j’ai la chance d’habiter dans un endroit de la France paumé sans grande ville proche, elles sont toutes à des centaines de km… Cependant, cela peut arriver n’importe quand. Dans quel monde vit-on ? C’est triste.

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    • Oui, c’est triste. Et tu as raison d’avoir peur, même si tu n’habites pas en ville. Mais n’oublions pas qu’après l’horreur vient l’espoir, le soutien, l’union : il reste encore de la beauté dans ce monde : »)

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  6. Merci d’avoir partagé votre expérience et vos pensées. C’est aussi bénéfique pour vous de mettre en mots ces émotions que pour nous de voir votre jeunesse pleine de sagesse, d’espoir et de compassion, meilleurs remparts contre la haine apocalyptique.

    Cela me donne envie de partager avec vous non pas mes sueurs froides de provincial connaissant des Parisiens, mais un sourire qui est venu plus tard.

    Peut-être l’avez-vous vu, le lendemain ou le surlendemain du massacre de Paris sont parus des articles accompagnés de vidéos montrant que les chats ont une peur panique des concombres :

    J’ai eu envie d’y voir une sorte de signe d’encouragement.

    Résumons. D’un côté, nous avons des chats : des créatures lascives, gourmandes, parfois de mauvaise humeur et capables de sortir leurs griffes si nécessaire, des créatures qui aiment les caresses, qui aiment « ordre et beauté, luxe, calme et volupté », et qui aiment surtout qu’on leur foute la paix. Ne dirait-on pas… des Français ? De l’autre côté, nous avons des concombres, des légumes qui ont tout ce qui plaît aux daechiens : la couleur islamique verte mais en beaucoup plus sombre, la forme longiligne d’un fusil, d’un bâton d’explosif ou d’un phallus bien phallocrate, et l’absence de vie et de mouvement.

    Ainsi, tout s’éclaire : nous, chatons de la patrie, sommes assaillis par des concombres. Certes, des concombres réellement dangereux, armés, qui font mal, atrocement mal, à leurs victimes et à toute personne plus ou moins proche de ces victimes, bref à tout être doué de pensée et de sentiments, mais ces concombres vicieux, simples humains, pas infaillibles, sont et resteront de pauvres concombres, puisque c’est à cela qu’ils ont décidé de résumer leur vie : faire peur, être des concombres pour chats.

    Le sens que je veux aussi retenir de ces félines vidéos, c’est que le chat effrayé sera finalement réconforté et caressé par son maître taquin, tandis que le concombre, lui, sera vite dégusté avec de la vinaigrette ou une sauce au yaourt.

    Car tel est l’avenir des concombres. Une universitaire américaine a étudié 457 campagnes terroristes des 50 dernières années. Résultat de son enquête : les groupes terroristes survivent au plus 8 ans en moyenne avant de disparaître lamentablement, et 94 % n’atteignent aucun de leurs objectifs stratégiques, même pas le plus petit (source : http://www.scientificamerican.com/article/five-myths-of-terrorism-including-that-it-works//?print=true). Autrement dit, le terrorisme est non seulement mauvais mais inefficace. Selon une autre étude, portant sur la période 1900-2006, les mouvements pacifiques obtiennent, quant à eux, gain de cause dans 53 % des cas (source : http://www.scienceshumaines.com/les-revoltes-pacifiques-reussissent-mieux-que-la-lutte-armee_fr_29072.html). Une raison de plus de chanter avec Lennon « All we are saying is give peace a chance ».

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    • Et bien ! On ne peut pas dire que vous ayez manqué d’inspiration pour ce commentaire !
      Au moins, il fait rire (les chats ont peur des concombres en même temps, pour rester sérieux), ce dont on a bien besoin en ce moment. 🙂
      Et c’est très imagé aussi.
      (je n’arrive plus à structurer ma pensée, désolée –)

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  7. Charlie Chaplin, l’homme qui a eu les mots les plus beaux et les plus justes sur toutes les horreurs de l’humanité. Merci.
    Always forgive, never forget. Semper dimitte, nuncam oblitus. Toujours pardonner, jamais oublier.

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    • Toujours pardonner, ne jamais oublier. C’est une très belle phrase qui sonne bien en anglais aussi (en latin, je ne la trouve pas très top^^).
      Et il a su faire rire de la dictature d’Hitler, ce qui était quand même pas mal quand on sait que le film a été projeté en Allemagne pendant le 3e Reich !

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