L’homme aux semelles de vent

Arthur rimbaudPuisqu’on a créé une rubrique poésie, autant la remplir ! Et tant qu’à faire, mettons-y des génies, ça fait toujours bien… Et qui peut-on qualifier de génie de la poésie, sinon Rimbaud ? Ouais, ok plein de gens. Mais de mon point de vue, Rimbaud vole loiiiiiiiin au-dessus de tous les autres ^^
Alors, qui est Rimbaud ? Un génie paradoxal complètement fou mégalo et anarchiste. Qui a, clairement, révolutionné le monde de la poésie. Et au passage, un des humains que j’admire le plus sur cette Terre.


Courte (ou pas) biographie : Arthur Rimbaud, né en 1854, n’a pas ou peu connu son père, et est élevé avec une mère psychorigide (sérieusement. Elle l’enfermait dans le grenier pendant des jours.) Excellent à l’école, mais ça lui plaît pas trop : il fugue trois quatre fois pendant son adolescence, essaye de rejoindre Paris pour participer à la Commune et rencontrer des poètes qu’il admire comme Verlaine. Et d’ailleurs… en 1871 (c’est à dire à 17 ans, oui oui, et il avait déjà écrit la plupart de ses chefs-d’œuvre), il rejoint une communauté de poètes à Paris, « Cercle des poètes Zutiques » où il rencontre beaucoup de ses idoles, y compris Verlaine, qui finit par quitter sa femme pour lui… Relation très tumultueuse, puisqu’il finit par tirer sur Rimbaud, ce qui le mènera à la prison. Rimbaud, quant à lui, voyage un peu partout en Europe et fait tous les métiers possibles. Il va successivement en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Belgique, avant de s’enrôler dans l’armée hollandaise pour déserter trois semaines plus tard et revenir en France sur un bateau écossais, puis de travailler dans un cirque au Danemark et en Norvège, essayer de rejoindre l’armée Américaine, puis il repart en Italie, à Chypre, puis en Afrique du Sud, où on perd plus ou moins sa trace. Et entre-temps, il a arrêté l’écriture. D’un coup, vers 1873, c’est-à-dire à 21 ans. En bref, il a révolutionné la poésie en l’espace de dix d’ans. ÇA, c’est du génie ^^ Le reste de sa vie est encore plus chaotique que le début, on n’arrête pas de perdre sa trace dans tous ses voyages, il devient trafiquant d’armes, commerçant, explorateur… Il finit par mourir en 1891 d’une tumeur après s’être fait amputer la jambe droite. En fait, sa vie, c’est du grand n’importe quoi. Et tout le monde le décrivait comme impulsif, grincheux, instable, toujours ivre, etc. Vous me croyez maintenant, quand je vous dis qu’il était fou ?


Mais revenons-en à ce qui nous intéresse vraiment : ses poèmes. À son image, en fait : violents, exaltés et touchants. Ceux-là, c’est mes préférés. Mais il en a aussi écrit des beaucoup plus doux, qui sont aussi superbes. Il a sorti trois recueils majeurs : Poésies, Une saison en enfer et Illuminations. Personnellement, je préfère le premier, mais les trois sont géniaux. Je vous mets deux poèmes que j’adore, et qui sont très connus d’ailleurs, mais je vous conseille très fort d’aller voir les autres (Le bateau ivre que je n’ai pas pu mettre par manque de place (il fait 25 quatrains, ce qui est quand même un peu long ^^), Ophélie, Le dormeur du val, L’orgie parisienne, Ma Bohème…) :

Les Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
–O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !


Roman

I
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
–Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
–On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits –la ville n’est pas loin,–
A des parfums de vigne et des parfums de bière….

II
–Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! –On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête….

III
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
–Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif….
–Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

IV
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
Vous êtes amoureux. –Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
–Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire…!

–Ce soir-là,… –vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
–On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.

Voilà voilà. Qu’en pensez-vous ? Même si je ne comprends pas la moitié des mots des Voyelles et que la ponctuation de Roman est franchement bizarre, pour une raison que j’ignore, ces poèmes me font presque verser une petite larme à chaque relecture –et pourtant, je les connais tous les deux par cœur. C’est ma prof de Français qui m’a fait découvrir Rimbaud en sixième, et quand je suis rentrée chez moi le soir même, j’ai kidnappé les trois recueils que ma mère avait, et je ne les lui ai jamais rendus ^^

Rimbaud a grandement contribué à ouvrir la voie à la poésie moderne, et il a été le premier à utiliser les vers libres et les poèmes en prose. Il y en a beaucoup dans Une saison en enfer et Illuminations, si ça vous intéresse, et certains sont juste sublimes… Même si on n’y comprend souvent rien du tout, les plus grands spécialistes se cassent la tête sur ses poèmes ! Mais franchement, est-ce que le sens a vraiment une importance quand les mots sont accordés de manière à vous transpercer le cœur (et à vous faire le plus gros mindfuck de votre vie) ?

(Au passage, pour ceux qui se poseraient des questions sur le titre de l’article : l’homme aux semelles de vent, c’est un surnom donné par ses amis poètes, rapport à ses voyages chaotiques…)

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6 réflexions sur “L’homme aux semelles de vent

  1. Hello 🙂
    J’avoue que je ne lis pas trop de poésie, mais je dois avouer que Rimbaud m’intrigue… Je n’ai pas lu beaucoup de ses écrits, mais ce que j’ai découvert m’a laissée perplexe (=> »Voyelles » 😉 ). As-tu lu le roman « Arthur Rimbaud, le voleur de feu » (je crois que l’auteure s’appelle Sarah Cohen-Quelquechose, un truc comme ça 😉 )? Il ne me tentait pas du tout, et sur l’insistance de ma prof de ma français (elle adore Rimbaud aussi. En classe: « Non mais franchement les filles, avouez il est trop beau gosse! » 🙂 ) j’ai commencé et… je ne l’ai pas lâché. Vraiment très intéressant 🙂

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    • Ah ! N’est-ce pas, que ce poète a un don *-* ? (Et oui, j’avouuuue, il est plutôt pas mal physiquement XD) J’ai lu l’an dernier ce roman, et… Je n’ai pas du tout aimé. J’étais déjà fana de Rimbaud, et j’ai trouvé que le roman était beaucoup trop focalisé sur son enfance qui est, de mon point de vue, bien moins intéressante que le reste de sa vie. L’écriture m’a aussi beaucoup déplu mais ça, c’est subjectif… Mais bon, tant mieux si ça t’a donné le goût des poésies de Rimbaud ! 😉
      (Au passage, c’est Sarah Cohen-Scali si je me souviens bien ^^)

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    • J’ai un don pour oublier les commentaires que j’ai postés…
      C’est vrai que pour moi, le roman était assez instructif, mais pour toi qui devait déjà connaître pas mal de choses, ça devait être un peu ennuyeux. Au niveau de l’écriture, je crois me souvenir qu’elle m’a un peu surprise au début, mais je me suis vite habituée, d’autant plus que j’avais déjà lu « Max », le roman sur les pouponnières du IIIè Reich.
      Et merci pour l’auteure 😉

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    • Moi aussi, t’inquiète pas ^^
      Mince, ça fait la fille qui se la pète maintenant >< En fait, ce qui m'a surtout embêté, c'est qu'ils ne parlent que de son enfance (ou presque) et pas de son adolescence, sa jeunesse, c'est le plus intéressant je trouve. Mais bo, ça apprend quand même des trucs.
      Et je ne connais pas du tout "Max", c'est quoi ?

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    • Je ne saurais pas très bien t’expliquer, je l’ai lu il y a un bout de temps maintenant. Si je me souviens bien, on suit l’enfance et l’adolescence du premier bébé né dans les pouponnières du IIE Reich. En gros, dans le prologue, il est hyper-nazi alors qu’il n’est pas encore né (point de vue un peu spécial, mais bon…) , il dit que ses parents se sont unis juste pour faire le bébé parfait, que Hitler est merveilleux, génial etc. Puis, au fur et à mesure qu’il grandit, il va ommencer à émettre des doutes sur l’idéologie, à se poser des questions, surtout quand il va aller dans les écoles spécialisées des jeunesses hitlériennes.
      Enfin bon, c’est un peu confus ce que je dis, mais au pire tu peux aller voir là, ce sera certainement beaucoup plus clair 😉 : http://livre.fnac.com/a4069801/Sarah-Cohen-Scali-Max#ficheResume
      D’après la fiche, c’ets à partir de 15 ans, mais je crois je l’ai lu à 12 ou 13 -sans vouloir me vanter, juste pour dire que c’est plus accessible-.

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